Ecoute et impressions :
Les tests d’écoutes ont été effectués à domicile avec les éléments suivants :
– Préamplificateur YBA Classic 3 Delta – doté de son préamplificateur phono MM
– Bloc de puissance YBA 3 Delta / double transformateur 2 x 400 VA
– Accessoires vinyle : brosse dépoussiérage / antistatique ANALOG Relax AR-ASAB1 (évaluée ICI)
– Couvre-plateau The Wand Mat, palet presseur / stabilisateur The Wand Weight (évalués ICI)
– Enceintes acoustiques PEL Kantor & ATOHM Sirocco 1.24
– Câbles de modulation pré phono ESPRIT Beta 8G 2019, VAN DEN HUL the Orchid
– Câbles HP YBA Diamond
Pour l’alimentation secteur : filtre secteur LAB12 Gordian & cable de tête Knack Mk2, barrettes FURUTECH F-TP 615 et ESPRIT Volta, câble secteur de tête FURUTECH G-314Ag-18E et prise murale FT-SWS-G de la même marque. Câbles secteur ESPRIT Celesta & Eterna, LAB 12 Knack Mk2 & AC1.
• Vinyles sélectionnés : Jean-Sébastien Bach : œuvres pour grandes orgues ~ Marie-Claire Alain – Gershwin & sa musique ~ Frank Chacksfield – Soul Bossa Nova ~ Quincy Jones – Gwendal volume 4 – Ted Heath Salutes Benny Goodman – Les 4 Saisons » ~ Antonio Vivaldi : Renaud Capuçon et l’Orchestre De Chambre de Lausanne – Nameless ~ Dominique Fils-Aimé – La Folia de la Spagna ~ Gregorio Paniagua – Barry Lyndon ~ bande originale du film – All Time Favorite Melodies of Japan – The Secret of Climbing ~ Stephen Fearing (édition Rega) – Concertos Brandebourgeois N° 1,2,3,4, 5 et 6 de Jean-Sébastien Bach ~ The English Chamber Orchestra ~ Direction Benjamen Britten – Workshop & Down Home ~ Chet Atkins – Breakfast at Tiffany’s ~ Henri Mancini – A mémorial for Glenn Miller : the original members – « Jalousie » ~ Yehudi Menuhin et Stéphane Grappelli – The Complete ~ Mike Oldfield – Swinging Safari ~ Bert Kaempfert – Contrastes par Pachacamac – Toccata & Fugue en Ré mineur de Jean-Sébastien Bach ~ Direction Tutti Camarata & Kingsway Symphony Orchestra – Shadow Hunter ~ Davy Spillane – Crucifixus ~ Jean-Christian Michel – Le Vaisseau de Pierre ~ Tri Yann – Concertos pour guitare & pour mandoline ~ Direction Paul Kuentz – Quiet Nights ~ Diana Krall, etc…
TD 202 face à TD 166 Mk II
Objectifs du test & mise en œuvre
L’objectif de ce banc ne se limite pas à évaluer les performances musicales de cette platine. L’idée est d’aller un peu plus loin dans la démarche en confrontant la TD 202 à une de ses aïeules bien connue : la TD 166 Mk2.
Le comparatif entre ces deux platines a été effectuée en plusieurs étapes successives :
• Évaluation de chaque platine dans sa « configuration » « brute » :
– TD 202 avec son préamplificateur intégré et sa cellule AT 95E
– TD 166 Mk2 connectée à la section phono MM du préamplificateur YBA Classic 3 Delta et la cellule REGA Elys2 – câble de modulation QED Qnext 2.
• Mise en situation comparative
– TD 202 et sa cellule AT95E directement connectée à la section phono MM du préamplificateur YBA Classic 3 – câbles de modulation VAN DEN HUL the Orchid & The NAME
– TD 166 Mk2 connectée à la section phono MM du préamplificateur YBA Classic 3 et la cellule REGA Elys2 – câble de modulation QED Qp1
• Optimisation de la TD 202 avec cellule REGA Elys2
– TD 202 gréée de cellule REGA Elys2 directement connectée à la section phono MM du préamplificateur YBA Classic 3 – câbles de modulation VAN DEN HUL the Orchid & The NAME
– TD 166 Mk2 connectée à la section phono MM du préamplificateur YBA Classic 3 et la cellule REGA Elys2 – câble de modulation QED Qp1.
Nature des timbres
Registre aigu
La première approche de l’écoute de la TD 202 n’est pas spécialement édifiante sur le haut du spectre. On sent rapidement les limites de la section phono intégrée ainsi que celles de la cellule AT 95E. La configuration d’origine proposée par THORENS met clairement en évidence une sorte d’opacité et des contours d’instruments plus ou moins bien délimités.
Le son du clavecin ne brille pas particulièrement : il semble noyé dans la masse orchestrale, même si on le devine tout de même en arrière-plan. Il est vrai que je connais bien cet album. Les percussions de toutes natures ne parviennent pas à se décoller de la formation de Gregorio Panuagua. Le violon soliste joue sans excès et exprime des timbres, malgré tout, naturels. Les aficionados du disque vinyle seront ravis par la douceur de l’expression dans son ensemble. Les mêmes seront dans doute frustrés par le détourage des instruments.
La mise hors service du préamplificateur phono intégré et le remplacement de la cellule AUDIO-TECHNICA par la REGA Elys2 permet immédiatement de franchir un gap qualitatif et une ouverture sur le haut du spectre de manière à lever le voile sur les détails.
Toujours dépourvues d’agressivité, les haute fréquences s’émancipent davantage. Elle filent plus haut. Le gain sur les harmoniques se montre plus « explicite ». L’extinction des fins de notes est mieux marquée et gagne en élégance. En revanche, nous n’obtenons pas le grain souhaité sur les instruments baroques et classiques.
Sur ce critère, la « bonne vieille » TD 166 Mk2 affiche instantanément une couleur de timbres plus étendue, plus variée, plus plaisante à mon goût personnel. Les fréquences aigües filent plus haut tout en conservant la présentation analogique qui fait la magie du disque vinyle. De toutes façons, la reproduction est presque totalement dépourvue d’opacité. Ceci n’est pas du tout le cas avec la TD 202 lorsqu’elle fonctionne avec son préamplificateur intégré et la cellule montée d’origine. Les choses s’améliorent en contournant ce que j’appellerai ces deux « écueils ».
Registre médium – transparence – fluidité
• Quiet Nights ~ Diana Krall
Rappelons que le « propre » d’une platine et d’un disque vinyle est de délivrer une sonorité fluide. Sur ce point, l’ensemble des éléments qui équipent la TD 202 se montrent à la hauteur de la « tâche » demandée – et c’est déjà un bon point. D’autant qu’il n’est pas rare que certaines platines vinyle et cellules « rechignent » à laisser les notes s’enchaîner correctement.
Sur les fréquences qui « oscillent » entre 200 et 2000 Hertz, en particulier les voix, on peut s’interroger sur la pertinence de la reproduction. La voix de Diana Krall ne manque pas de charme et de chaleur. Toutefois, je la trouve un peu trop « sirupeuse », voir « mielleuse » pour être totalement crédible.
Le changement de cellule aboutit à une plus grande finesse, une diction accrue et un timbrage qui s’approche davantage d’une reproduction réaliste. Pour trouver un meilleur équilibre, il est requis de court-circuiter le préamplificateur phono intégré. Dès lors, la transparence accrue nous permet de pouvoir distinguer les frets de guitare inhérents aux changement d’accords. Les coups de cymbales deviennent plus francs, le frottement du ballet sur la caisse est aussi plus net sans pour autant atteindre des sommets qui sont davantage l’apanage des platines, cellules et sections phono plus « sophistiqués ».
De son côté, la TD 166 Mk2 et la cellule REGA Elys2 offrent conjointement une gamme couleurs différentes, également plus étendue et une transparence qui ne fait pas défaut. En définitive, je ne saurai pas dire laquelle de ces deux platines sonne objectivement le plus juste.
Registre grave
• Ainsi parla Zarathoustra : Richard Strauss ~ Zubin Mehta & The Los Angeles Philharmonic Orchestra
• Nameless ~ Dominique Fils-Aimé
• Barry Lyndon – Sarabande de Haendel
Il faut bien admette que sur ses platines de début de gamme, THORENS n’a jamais été un champion du traitement des fréquences graves. Je pense notamment aux TD 104, 105, 110 et 115 dont les fréquences graves étaient d’une légèreté à faire pâlir. Elles étaient alors fournies avec une cellule Stanton assez basique adaptée aux bras qui ne l’étaient pas moins.
La TD 202 n’est pas non plus exemplaire sur ce registre. La mise hors service de la section phono ainsi que le changement de cellule ne changent, à vrai dire, peu de choses. Ainsi, il faudra renoncer à goûter pleinement à la majestuosité de l’Ouverture et du Final aux grandes orgues d’Ainsi parla Zarathoustra de Richard Strauss. Ces nappes d’orgues sont superficiellement reproduites. Elles perdent tout l’attrait qu’habituellement on leur connaît.
Sur Nameless de Dominique Fils-Aimé, l’artiste est accompagnée par un contrebassiste au doigté agile, qui donne vie à son instrument. Ici, le miracle se fait attendre. Le bas du spectre est enrobé, un peu gras, mais peu profond. Le changement de cellule apporte un meilleur suivi de la ligne mélodique et arrive un peu mieux à cerner le jeu du contrebassiste. L’assise me semble également assez instable.
Sur ce disque, la TD 166 Mk2 est plus « sûre » d’elle, sans atteindre non plus des profondeurs démesurées. En revanche, les notes de contrebasses sont plus « propres » et surtout plus affirmées.
C’est un sentiment plutôt amère qui me reste après l’écoute de la Sarabande de Haendel qui est le thème « phare » de cette bande originale du film Barry Lyndon. La splendeur et l’envergure de la section de contrebasses et violoncelles qui donne une beau panache à cette œuvre se solde par une déception. Les percussions qui ponctuent la phrase musicale n’ont pas le poids et la matière attendus. La connexion à la section pré-phono de l’YBA 3 Classic Delta et le changement de cellule parviennent à mieux contrôler le bas du spectre et s’approcher d’une restitution un peu plus organique.
Dans des conditions similaires, la TD 166 Mk2 s’en tire avantageusement mieux. Dans sa globalité, l’expression est plus spontanée, plus soutenue et plus proche de l’esprit du compositeur.
Scène & espace sonore
• Gershwin & sa musique ~ Frank Chacksfield
Il y a vraiment moyen d’améliorer significativement l’étendue de la scène sonore de cette platine en se passant du préamplificateur phono incorporé et en remplaçant la cellule d’origine par un modèle plus performant.
Si nous laissons en l’état l’équipement original de la TD 202, nous risquons à coup sûr de passer à côté de pas mal d’évènements. Je ne peux pas dire que la scène sonore soit confinée, mais elle manque un peu d’ampleur face à des concurrentes de prix et de gamme équivalentes. A ce propos, la TD 166 Mk2 est plus apte à « développer » l’ampleur de la scène sonore, notamment en largeur et en hauteur; la profondeur de champ restant toute relative.
Le disque Gershwin & sa musique par Frank Chacksfield édité chez Decca Phase 4 est tout indiqué pour mettre en évidence les limites du préamplificateur phono et de la cellule, même, s’il faut le reconnaître, l’ensemble ne manque pas, et c’est paradoxal, d’une aération – somme toute – correcte.
Il faut se rendre à l’évidence : là encore la TD 166 Mk2 délivre une scène sonore plus généreuse et une ouverture plus appréciable en tant que telles.
Pour aller jusqu’au bout de la démarche, dans cet exercice, j’ai ensuite introduis deux accessoires pour platine vinyle qui ont démontré leur efficacité lors de leur banc d’essai : le couvre-plateau The Wand Mat et le palet presseur The Wand Weight testés ICI.
Le résultat est plutôt curieux et me laisse interrogatif. Si la scène sonore prend de l’extension avec la TD 166 Mk2, elle est plus limitée avec la TD 202. Cela me laisse à penser que la base mécanique plus simple de la TD 202 se suffit à elle-même. Je ne peux pas affirmer que la TD 202 soit insensible à ce type d’accessoires, ni que la musique reste collée aux enceintes acoustiques, mais la musique ne parvient pas à se libérer totalement de certaines contraintes probablement mécaniques liées à sa conception moins élaborée que celle de la TD 166 Mk2. Par ailleurs, il est inutile d’investir dans de tels accessoires si on compte utiliser la TD 202 avec son préamplificateur intégré et sa cellule d’origine.
Dynamique – réactivité – rigueur
• A mémorial for Glenn Miller ~ the Original members of Glenn Miller Orchestra VOL.1 – 2 – 3
Côté dynamique, il n’y a pas grand-chose à reprocher à la TD 202. L’écoute de ce triptyque de doubles albums consacrés à la musique de Glenn Miller ne souffre d’aucun manque de souffle. Sur les extraits les plus rythmés, le swing est bien reproduit. On peut même faire confiance à la cellule et au préamplificateur phono intégré qui ne rechignent pas à donner une énergie satisfaisante qui convient bien à ce genre musical.
A tout dire, la TD 166 Mk2 ne fait pas forcément mieux en terme de rapidité. Cette dernière se comporte toutefois, de manière plus franche, plus nette sur les coups de batterie, de cymbales et même les cuivres ou la contrebasse. Aussi, si vous optez pour la TD 202, il vaut mieux, selon mon point de vue, contourner le préamplificateur intégré, qui « écorne » sensiblement la rigueur de reproduction sans pour autant nuire à la réactivité globale.
Qualités d’expression – plaisir d’écoute
• Nameless ~ Dominique Fils-Aimé (vinyle 30 cm / 45 tr/m)
Dans sa version « prête à l’emploi » la TD 202 arrive à faire chanter Dominique Fils-Aimé. Le charme de l’écoute vinyle s’opère et il se serait malhonnête de s’en plaindre. Pour aller plus loin, il sera conseillé de changer la cellule et de se passer de la carte phono intégrée.
La mise en œuvre de la cellule REGA Elys2 apporte un supplément non négligeable d’informations et d’âme. La section vocale est plus claire, mieux articulée, plus naturelle. La texture des timbres de la voix ne perd rien de sa chaleur et de son humanité. La présence de l’artiste dans la pièce d’écoute, sans être exceptionnelle non plus, se confirme. Le jeu de contrebasse assure une bonne lisibilité. Il s’avère dégraissé – ce qui n’est pas le cas lorsque la platine « travaille » avec son équipement d’origine.
Sur ce disque, je ne peux pas objectivement affirmer que la TD 166 Mk2 fait nettement mieux. La reproduction est possiblement plus « soutenue », mais c’est à la marge avec cet album.
• « Jalousie » ~ Yehudi Menuhin & Stéphane Grappelli
Dans un genre musical différent, de prime abord, le duo composé par Yehudi Menuhin & Stéphane Grappelli n’est pas déplaisant. Une écoute plus approfondie démontre tout de même que les timbres manquent significativement de saveur et de couleurs. Le jeu de deux violons n’est pas parvenu à capter mon attention. Certes, le filé est soyeux, mais il manque de précision et surtout de grain. Les différentes nuances ont été simplifiées au profit d’une reproduction subjectivement monocorde.
L’évolution est perceptible lorsque l’on introduit la cellule REGA Elys2 qui va davantage « creuser » le sillon en profondeur. Si l’on conserve la cellule AT 95E et que l’on met hors service le préamplificateur phono intégré, la marge de progression permet de tirer une meilleure substance de la gravure et de la prise de son. Les coups de cymbales ainsi que le frottement du ballet sur la caisse claire sont dépoussiérés, c’est incontestable.
La TD 166 Mk2 fait de son côté un sans-faute. Elle se montre plus riche à bien des égards. Celle-ci parvient sans forcer à émouvoir un auditeur en quête d’une expression où le talent des deux artistes lui permettra de « vibrer » à travers un répertoire enjoué.
Conclusion :
A la lecture de cette analyse, vous aurez compris que la TD 202 ne m’a convaincu. Prête à l’emploi, je pense que cette platine est handicapée par son préamplificateur phono intégré. Sa mise hors service (possible et même recommandée) ainsi que le changement de la cellule AT 95E donnent des résultats musicaux en progression. Quarante ans séparent ces deux modèles, mais au final, c’est la TD 166 Mk2 qui sort vainqueur de cette confrontation.
Prix : 650 € (08/2025)
Cellule incluse