Platine vinyle
Origine : Japon
Assemblage : Allemagne
Entraînement : par courroie
Vitesses : 33 ⅓ & 45 tours / minute
Pleurage et scintillement : ± 0,05 %
Précision de vitesse : ± 0,2 %
Tension de sortie : 3,6 mV / 1 kHz (avec cellule)
Rapport signal / bruit : 80 dB (avec cellule)
Réponse en fréquence : 20 Hz à 20 kHz (avec cellule)
Séparation des canaux : > 26 dB (avec cellule)
Au cours de sa longue carrière, MARANTZ a toujours su surfer sur les tendances en proposant des éléments HIFI qui pouvaient intéresser un public le plus large possible. Les plus anciens d’entre nous se souviennent sans doute de certaines platines vinyles des années 70 et 80 au design massif et robuste, intégrant bois et métal à profusion, munies d’un bras en S, entrainement direct ou par courroie, à l’instar des concurrentes Japonaises de l’époque.
Les temps ont changé, et, comme beaucoup d’autres marques, MARANTZ a délaissé ces « engins vinyliques » pour se concentrer, entre autres, sur les sources numériques du moment, sans délaisser le monde de l’amplification. Sentant probablement, le vent venir, c’est de manière toutefois « prudente » que MARANTZ a souhaité revenir sur ce segment de sources analogiques dès le milieu des années 2000.
Platine originale CLEARAUDIO Emotion
La TT-15 S1 n’est pas le dernier cri en matière de platine vinyle. Et, pour tout dire, elle n’est pas du cru de la maison MARANTZ. Le constructeur a établi un cahier des charges et c’est le spécialiste Allemand CLEARAUDIO qui a été retenu pour produire cette platine. Pour être précis, le constructeur Allemand ne s’est pas trop embêté à créer une platine spécifique. Il a simplement puisé dans son catalogue et puis MARANTZ et CLEARAUDIO se sont entendus pour retenir le modèle Emotion estampillé MARANTZ. De même que, pour aller jusqu’au bout de la démarche, la TT-15 S1 est livrée d’origine avec une cellule à aimant mobile issue des ateliers CLEARAUDIO pour prendre la référence de Virtuoso Ebony.
Si la base de la platine a été esthétiquement retouchée, l’acrylique y règne en maître constituant un vecteur d’électricité statique qui gâche un peu le plaisir de la manipulation des disques vinyles.
Le beau socle en résine acrylique massif finement usiné repose sur 3 pieds en aluminium. Ceux-ci reçoivent un matériau amortissant pour un découplage le plus efficace possible.
Ce châssis intègre les deux éléments tournants suivants :
• le support du plateau de 2,8 centimètres d’épaisseur en méthacrylate haute densité au poids substantiel. Ce dernier repose sur un axe / palier en acier trempé, pièce en bronze aggloméré poli avec bille en céramique.
• le moteur placé à la périphérie du cadre et le plus éloigné possible de la cellule phono. Ce moteur mono-vitesse asynchrone est inséré dans un carter en métal massif qui intègre l’interrupteur de mise sous tension, peu pratique à actionner. L’axe du moteur se termine par une poulie à deux gorges. Celle-ci reçoit la courroie sphérique en silicone que l’utilisateur devra manipuler manuellement pour opérer le changement de 33 ⅓ & 45 tours / minute.
Comme sa sœur CLEARAUDIO Emotion SE, la TT-15 S1 reçoit le superbe bras de lecture droit Satisfy Kardan. Ce bras à cardan assez sophistiqué est muni d’un réglage de l’antiskating magnétique. Il est composé d’un tube en aluminium de 23 centimètres qui se termine par le câble de modulation prisonnier de l’embase du bras.
La cellule à aimant mobile CLEARAUDIO Virtuoso Ebony est un modèle qui s’inspire de la célèbre Virtuoso V2 à diamant elliptique monté sur une tige en aluminium.
La TT-15 S1 n’est pas une platine dite « prête à l’emploi ». L’utilisateur devra procéder au montage des différents éléments tournants ou fixes contenus dans le carton d’emballage : le bras de lecture, le palier / support de plateau, le bloc moteur. En outre, l’offre inclut un jeu de clefs 6 pans Alen, l’huile pour le palier, le fil de mise à la terre, une feutrine à poser sur le plateau, une paire de gants blancs et, oh ! mauvaise surprise, un « vulgaire » palet presseur en plastique à « deux balles » translucide. A défaut d’être luxueux, on peut considérer qu’il est efficace.
Ecoute et impressions :
Les tests d’écoutes ont été effectués à domicile avec les éléments suivants :
– préamplificateur phono MOON 310 LP Mk2 (configuré pour la cellule MM)
– Préamplificateur YBA Classic 3 Delta & bloc de puissance YBA 3 Delta / double transformateur 2 x 400VA
– Accessoire : brosse dépoussiérage / antistatique ANALOG Relax AR-ASAB1
– enceintes acoustiques PEL Kantor
– Câbles de modulation pré phono ESPRIT Beta 8G 2019, (couleur)VAN DEN HUL the Orchid
– Câbles HP YBA Diamond
Pour l’alimentation secteur : barrette FURUTECH F-TP 615 et ESPRIT Volta, câble secteur de tête FURUTECH G-314Ag-18E et prise murale FT-SWS-G de la même marque. Câbles secteur ESPRIT Alpha, Celesta & Eterna.
• Vinyles sélectionnés : Gershwin & sa musique ~ Frank Chacksfield – Soul Bossa Nova ~ Quincy Jones – Ted Heath Salutes Benny Goodman – Les 4 Saisons » ~ Antonio Vivaldi : Renaud Capuçon et l’Orchestre De Chambre de Lausanne – Nameless ~ Dominique Fils-Aimé – La Folia de la Spagna ~ Gregorio Paniagua – Barry Lyndon ~ bande originale du film – All Time Favorite Melodies of Japan – The Secret of Climbing ~ Stephen Fearing (édition Rega) – Concertos Brandebourgeois N° 1,2,3 de Jean-Sébastien Bach ~ The English Chamber Orchestra ~ Direction Benjamen Britten – Workshop & Down Home ~ Chet Atkins – A mémorial for Glenn Miller : the original members – « Jalousie » ~ Yehudi Menuhin et Stéphane Grappelli – The Complete ~ Mike Oldfield – Swinging Safari ~ Bert Kaempfert – Contrastes par Pachacamac – Toccata & Fugue en Ré mineur de Jean-Sébastien Bach ~ Direction Tutti Camarata & Kingsway Symphony Orchestra – Shadow Hunter ~ Davy Spillane – Crucifixus ~ Jean-Christian Michel – Le Vaisseau de Pierre ~ Tri Yann – Concertos pour guitare & pour mandoline ~ Direction Paul Kuentz – Quiet Nights ~ Diana Krall, etc…
Philosophie musicale & esthétique sonore
Registres aigu & médium
• La Folia de la Spagna ~ Gregorio Paniagua
D’entrée de jeu, cette platine affiche la couleur, mais pas de chance : ce n’est pas la bonne (couleur). Le haut du spectre file très haut, mais accuse des excès sur la pointe des notes qui tendent à monter artificiellement haut. Cette « posture » ne plaide pas réellement vers une sonorité naturelle. Oubliez l’aspect chatoyant des instruments baroques de la Folia de la Spagna, au seul profit d’une reproduction qui met trop en avant les fréquences les plus élevées.
Cela dit, le tandem platine / cellule fait un travail d’analyse fouillé qui mettra bien en exergue les fines notes du clavecin. L’instrument se montre pétillant, étincelant, que l’on retrouve également sur les autres instruments à cordes tels que la viole de gambe ou la vielle à roue. Ils revêtent un grain correct, mais pas si exceptionnel que cela. Le registre aigu étant surligné, l’ensemble manque forcément un peu de nuances, même si le détourage est incontestable. Cela rompt le charme que l’on peut obtenir à l’écoute d’un disque vinyle.
Les percussions ne passent pas inaperçues. Elles « évoluent » dans le temps et l’espace avec une coloration qui donne une touche de vivacité supplémentaire, sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin.
• Quiet Nights ~ Diana Krall
Sur des extraits où le vocal prend un place prédominante, on sera quelque peu perplexe face à la stridence des « S » qui sifflent de manière insistante. Ils finissent par agacer et nuisent à l’aspect réaliste de l’expression. Je ne sais pas s’il faut évoquer ici la notion de transparence. Ce qui est certain est que le couple platine / cellule n’est pas réellement en capacité de mettre en lumière les différentes facettes de la personnalité de Diana Krall. Oubliez la texture onctueuse de l’ensemble vocal et orchestral, au profit d’une voix un peu « clinique », manquant de chaleur humaine. La diction n’en reste pas moins soignée, les reprises de souffle sont perceptibles. Cependant, il manque cet aspect séduction qui fait habituellement le charme de l’album Quiet Nights.
L’orchestration en toile de fond joue son rôle d’accompagnement. Sa présence n’est pas dissimulée. Les phrases musicales se déroulent en bon ordre avec une bonne fluidité. On décèle de nombreux détails, tels que les petits coups de cymbales, le fret de guitare lié aux changements d’accords et l’extraordinaire jeu de ballet sur la caisse claire. Cela induit clairement que la transparence qui en résulte s’effectue au détriment de l’équilibre général, trop orienté vers le haut du spectre.
Registre grave
• Barry Lyndon ~ bande originale du film
Si le registre aigu se montre un peu insistant, à l’inverse les basses fréquences sont loin de briller par leur profondeur. Je n’ai pas retrouvé le poids des percussions et de l’ensemble de contrebasses qui font habituellement la force de la Sarabande de Haendel. Même le violoncelle soliste manque de profondeur. Nous assistons à un grave un peu léger, écourté qui, malheureusement, ne plaide pas en faveur d’une reproduction globalement équilibrée sur la gamme de fréquences audibles.
En revanche, les instruments qui gravitent dans la gamme des fréquences graves affichent une restitution matérialisée correcte, sans toutefois affirmer qu’elle est « organique ». Ainsi, malgré les impacts du marteau sur la peau des timbales, nous n’avons pas l’enveloppe qui convient bien pour donner de l’ampleur et du panache à cette composition. Je dois même avouer que j’ai eu le sentiment de passer à côté de quelque chose.
Sur d’autres extraits moins classiques, jazz ou rock, où la contrebasse et la guitare basse offrent une prestation plus affirmée, j’ai eu le sentiment qu’il manquait une, voire deux octaves. Le manque de consistance qui en résulte ne remet toutefois pas en question la lisibilité, la propreté, l’articulation et le suivi des notes. Ces critères sont dans la lignée des platines vinyles de début / milieu de gamme, commercialisées à tarifs nettement plus attractifs.
Dynamique – réactivité – rigueur
• Le Vaisseau de Pierre ~ Tri Yann
Sur le plan de la dynamique, la MARANTZ TT-15 S1 se démarque par une vigueur incontestable. Les accélérations et montées en puissance se traduisent par une reproduction pétillante. Je dirais même que cette platine est démonstrative. En exagérant mon propos, elle adopte un comportement un peu « rentre-dedans ». En tout cas, la rythmique échevelée de l’opéra folk-rock Le Vaisseau de Pierre reflète un dynamisme qui sied parfaitement à ce style de musique. La batterie, les riffs de guitare électrique et la basse sont pris en charge vigoureusement pour une reproduction sans contrainte, sans traces de traînage ou d’approximation. De ce point de vue, la platine et sa cellule vont droit au but.
• The Complete ~ Mike Oldfield
Cette vivacité est largement confirmée sur cette compilation de Mike Oldfield qui regroupe des extraits d’une fabuleuse énergie auxquels cette platine sait s’adapter dans les meilleurs conditions qui soient et avec une rigueur qui ne fait pas défaut. Les aficionados du genre apprécieront.
Les enchainements et les brusques changements d’intensité sont maîtrisés. Ils donnent le sentiment que cette platine veut se hisser à la hauteur des produits numériques les plus rapides. Je dois reconnaître qu’au chapitre du marathon de la réactivité, cette platine n’a pas forcément quelque chose à envier à certaines concurrentes de prix voisin.
Scène & espace sonore
• Toccata & Fugue en Ré mineur – Jean-Sébastien Bach ~ Direction Camarata
Pour ce test lié à l’appréciation de la scène sonore, je n’ai pas hésité à retenir certains disques issus du catalogue Decca Phase 4, plutôt généreux, voir même assez démonstratifs en matière de spatialisation, agencement et étendue de l’espace sonore.
La MARANTZ TT15 S1 et la cellule qui est associée d’origine, n’est pas, et de loin, la platine qui va « renverser » la table en matière d’ampleur. Si les effets stéréo sont bien ciblés, si l’image est stable, j’ai regretté amèrement le développement pour le moins « contenu » de l’orchestration. Il n’est pas improbable que le déséquilibre entre les fréquences aigües et le bas du spectre soit en partie responsable. Les grandes envolées de violons n’ont pas l’envergure souhaitée. Il règne dans la pièce d’écoute une impression de confinement qui gâche le plaisir de l’écoute. A la réflexion, il s’agit d’un paradoxe par rapport aux capacités de réactions décrites ci-avant.
Il est même exclu de pouvoir appréhender correctement les effets de profondeur de champ, malgré une étagement des différents plans, pourtant, assez bien défini. La notion d’aération ne semble toutefois pas à souffrir de cette forme de compression. Il n’empêche que l’extension en largeur trouve rapidement ses limites sur cette version de la Toccata & Fugue en Ré mineur de Jean-Sébastien Bach, transcription Léopold Stokowski et dirigée par Camarata.
Séquence émotion – sens de l’expression
• Nameless ~ Dominique Fils-Aimé (30 cm / 45 tr/m)
A l’écoute de Nameless, je reste interrogatif sur les facultés de cette platine à émouvoir totalement l’auditeur. Si le pouvoir de résolution n’est pas à remettre en question, je ne peux affirmer que l’écoute se solde par une suite d’impressions fortes. Pas de grands frissons en perspective.
Je ne peux nier la présence de l’artiste dans la pièce d’écoute. Cependant, les multiples nuances et les harmoniques qui donnent du « peps » à ce pressage hautement qualitatif et expressif accusent une forme de simplification. Les fins de notes de la contrebasse et des percussions sont écourtées. Cela ne rend pas l’écoute aussi attrayante que la présentation de la platine pouvait le laisser entrevoir.
• Jean-Sébastien Bach : œuvres pour grandes orgues ~ Marie-Claire Alain
Autant le dire tout de suite, à l’écoute des œuvres pour grandes orgues de Jean-Sébastien Bach, la magie de l’univers du vinyle ne s’opère pas instantanément. Certes le souffle des grandes orgues vient vous susurrer son doux message sur les passages calmes, mais il manque ce petit ingrédient qui vous donne le frisson, qui retient captive le mélomane en quête d’émotions intenses, que l’orgue est un instrument vivant. La « brillante » interprétation de Marie-Claire Alain aurait pourtant mérité le détour.
Mon attention n’a pas non plus été retenue par la Toccata & Fugue en Ré mineur de Jean-Sébastien Bach. La présentation grandiose habituellement rencontrée avec d’autres platines vinyles et cellules s’est faite attendre : en définitive, elle ne m’est jamais parvenue ! Le manque de grave et la scène sonore un peu rétrécie n’offrent décidément pas le panache de cette composition si grandiose.
Conclusion :
Pour ma part, toute jolie qu’elle soit, cette platine est bien loin d’être une référence. Elle ne m’a pas convaincu. Ses prestations musicales ne justifient pas un prix de vente si élevé même s’il inclut la cellule phonocaptrice. Certaines platines et cellules concurrentes font nettement mieux pour un tarif quasiment divisé par deux. Non, la fameuse magie liée à l’écoute du disque vinyle ne s’opère pas réellement.
Prix : 2500 € cellule incluse (02/2023)