L’HIFI « insoumise »
Toute ressemblance du titre de cet article avec un parti politique Français est évidemment fortuite. Toutefois, il suscite un paradoxe qui consiste à analyser des visions différentes de la reproduction musicale. Il induit même un nouveau rapport entre les usagers et la musique.
Hier comme aujourd’hui, beaucoup d’ingénieurs du son ont mis tout leur savoir au service d’une prise de son la plus qualitative possible. Les techniques numériques ont permis d’avoir des enregistrements haute résolution, sous réserve qu’elles soient effectuées dans les règles de l’art. Visiblement, ce n’est pas terminé et cela va encore évoluer au cours des prochaines années, et c’est une bonne nouvelle en soi.
De leur côté, les constructeurs HIFI de renom relèvent ce défi et améliorent régulièrement leurs produits pour délivrer une musicalité la plus pure et la plus réaliste possible. Toutefois, avec les années, j’ai le sentiment que la qualité musicale n’intéresse plus qu’une minorité d’audiophiles, une poignée de dinosaures dont je fais partie. Ce faisant, je crains même que la relève ne soit pas assurée. Chaque génération qui passe semble laisser sur le banc de touche des passionnés.
A y regarder de près et, comme le souligne Michel Jonasz dans une interwiew, désormais la musique s’écoute « comme ça ». En effet, plus les techniques évoluent plus les « moyens » de transmission régressent. La tendance est à écouter de la soi-disant « grande musique » sur de minuscules « diffuseurs » (enceintes connectées parfois monophoniques, téléphones portables,….) et autres « gadgets de foire » qui fonctionnent en mode ultra compressé ou encore des « tout-en-un » aux multiples fonctions. Les utilisateurs et détracteurs argumentent leur choix sur un postulat qui vaut ce qu’il vaut : la qualité partout et tout le temps !
C’est bien là que réside ce paradoxe entre la qualité musicale émise et la qualité réelle de réception. Comme l’évoque, le chanteur Michel Jonasz, « aujourd’hui, on a perdu le côté sacré de l’écoute ». Comme lui, beaucoup artistes présents ou passés soignaient et soignent toujours le travail artistique de A jusque Z, de façon à communiquer leur art à l’auditeur avec comme objectif de fournir un travail bien. Au final, je peux comprendre qu’une déception ou un renoncement s’installe chez les « parties prenantes » de la HI-FI (utilisateurs et magasins spécialisés).
Lorsque je fais un feedback sur les cinquante dernières années, je me rend compte qu’il y a aussi dans cette affaire une question d’éducation musicale. Pour ma part, et comme pour beaucoup d’audiophiles, celle-ci m’a été transmise par mes aînés. Nous étions alors dans la période de l’analogique, avec ses moments de bonheur et ses limites. Pourtant, avec l’évolution des techniques, nous devrions avoir un engouement pour des produits audio qui servent la qualité musicale au lieu de la massacrer.
Je dirai même qu’en qualité de passionné, notre devoir est de transmettre aux jeunes générations cet amour du beau et bon son. Leur montrer que la musique peut s’écouter et s’apprécier autrement. Initier nos enfants et plus généralement nos « successeurs » constituerait peut-être un sacerdoce destiné à perpétuer une espèce en voie d’extinction – un vœux pieux. Pour le compte, le communauté audiophile s’inscrirait alors dans une démarche « d’insoumis » à la médiocrité acoustique. Qu’on se le dise !