Interview de Franck Avitabile, Artiste et pianiste de Jazz
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Franck Avitabile est un musicien passionné par la Haute Fidélité et à travers les écoutes que nous avons faites ensemble, j’ai pu remarquer qu’il avait l’oreille très fine et savait exactement en quelques secondes détecter les points faibles et les points forts d’une électronique ou d’une enceinte, ce qui est assez stupéfiant. Pour les audiophiles qui aiment le jazz, vous pouvez aller sur son site où vous trouverez quantité d’informations :
1. RLB : Comment est née ta passion pour la Haute Fidélité en tant que musicien ?
F.A. : Je venais d’acheter (pour mes 18 ans et mon Bac) une chaîne Technics intégrée avec télécommande, réveil, etc… et des enceintes Triangle (le seul élément qui était convenable dans la chaîne !) en 1990. La nouveauté était alors d’avoir un lecteur CD ! Mais j’ai été très déçu du son du CD, d’une platitude incroyable. L’argument de vente était la sortie optique du lecteur CD et le convertisseur numérique/analogique de l’amplificateur.
J’ai rencontré 3 mois après un ami audiophile, et on a commencé à faire des écoutes à l’aveugle, tester des câbles, des pointes, les CD avec feutre indélébile sur la tranche du disque, le sens de la prise secteur de l’ampli, etc… Bref, la passion audiophile avait véritablement démarré. On a fait les salons haute fidélité, écouté des systèmes à 50 000 € hallucinants, etc…
J’avais déjà décidé de tenter de revendre ma chaîne. Mais le hasard a valu que je me fasse cambrioler deux ans plus tard, d’une part tous mes CD, ce qui était une très mauvaise nouvelle, et d’autre part ma chaîne sauf les enceintes, ce qui était finalement une bonne nouvelle.
Aujourd’hui, la sortie du SACD et la diffusion en multicanal commencent à me titiller très fort ! La rencontre avec Rohan au Duc des Lombards (Paris) a suffit pour ranimer la flamme ; je me relançais alors dans les écoutes, avec en plus, le recul de voir comment ce petit monde a évolué depuis 12 ans.
2. RLB : Que penses-tu de l’évolution actuelle de la Haute Fidélité et va-t-elle dans le bon sens ?
F.A. : Les deux changements majeurs qui s’opèrent actuellement sont :
Pour le reste, dans le matériel, la qualité des lecteurs CD audiophile a explosé ! La précision des détails et le rendu sont époustouflants.
Les enceintes sont devenues beaucoup plus performantes (pour des prix moins élevés) et ne sont plus des monstres comme a l’époque. Les constructeurs ont manifestement intégré que la taille des appartements n’était pas extensible à souhait et qu’il y a probablement moins de gens habitant les châteaux qu’avant. L’écoute de la Concorde de JMR démontre que l’on peut avoir une enceinte absolument incroyable pour un encombrement raisonnable.
Je trouve que les prix (ampli, CD) ont aussi explosé ! La généralisation des chaînes « hifi » qui n’ont plus que le nom de « hifi » en est peut être la cause. J’ai l’impression qu’il y a de moins en moins de personnes qui ont un système correct pour écouter de la musique chez eux. Chez les musiciens, c’est aussi rare. Un musicien considère souvent que quand la musique est bonne, elle l’est quelle que soit la qualité du support et de la transmission de l’enregistrement. C’est partiellement vrai. Quand j’écoute un disque, pendant le premier quart d’heure, j’écoute évidemment en premier la qualité du son, de l’enregistrement, de la réverbération, etc… Puis petit a petit, je rentre dans la musique, et je fais abstraction de la technique. Lors de l’écoute effectuée à Romainvillle chez Edgar Moreneau, il était étonnant d’entendre une introduction de Keith Jarrett parfaitement plate sur un système, et géniale sur un autre. Nul doute qu’en restant avec le système le moins flatteur, j’aurais trouvé au bout d’un certain temps et une re-écoute, autant de qualités qu’avec l’autre système, il demeure qu’avoir un système qui met en valeur la musique n’est pas que du luxe !
3. RLB : Que penses-tu de l’amplification numérique après avoir fait une écoute chez Sonatine à Lyon ?
F.A. : J’ai été véritablement bluffé par le résultat, en aveugle, d’ailleurs, par rapport à la pré-amplification analogique, pour le CD. Il apparaît en tout cas que c’est un procédé d’avenir, qui pourrait d’ailleurs être intégré dans les lecteurs CD eux mêmes.
4. RLB : Qu’apporte l’amplification numérique de plus par rapport à l’analogique ?
F.A. : Sur le test effectué chez Sonatine, l’amplification numérique apporte une meilleure séparation des instruments, respectant leur cohérence de timbres en particulier, et de ce fait, une meilleure spatialisation du son.
5. RLB : Que penses-tu des nouveaux supports SACD/DVD Audio, apportent-ils un plus par rapport aux CD ?
F.A. : Beaucoup de gens réinvestissent dans le matériel grâce à l’arrivée des DVD et autre Plasma et à la possibilité d’utiliser un système 5+1 chez eux (i.e. le ciné à la maison). Donc, à partir du moment où les gens s’équipent en 5+1 pour la télé, pourquoi ne pas profiter de ce nouveau matériel pour écouter des SACD et DVD Audio en multicanal ? L’écoute chez Audio Synthèse (Linn) a été décevante sur ce point. On n’a pas retrouvé d’effet « salle de concert » esperé. La faute au mauvais mixage ou au principe même d’écouter de la musique en multicanal ? Je n’ai pas d’avis pour l’instant.
En revanche, l’écoute du SACD en stéréo a été bluffante et supérieure au CD sur tous les enregistrements écoutés, sur une Linn 1.1 (platine universelle) ; Sur le lecteur universel Primare testé à Connemara, le gain est notable sur certains SACD, moins notable sur d’autres. Cela dépend de la qualité de l’enregistrement évidemment, mais on gagne en profondeur ce que l’on perd en précision. Sur les platines bas de gamme, la différence est notable dès la première seconde d’écoute, y compris par des personnes non audiophiles et non musiciens. Le SACD reste compatible avec les anciennes platines de CD et la partie CD reste copiable comme n’importe quel CD. Bref, de beaux atouts pour le SACD.
Un inconvénient pour la diffusion du SACD est que pour l’instant, le catalogue comporte environ 600 SACD, et que le SACD décollera véritablement à partir du moment où les magasins retireront de la vente les CD (ce qui s’est passé pour le vinyle), ce qui n’est pour l’instant pas près d’arriver, il faut le reconnaître. Dans les pays où le CD est au même prix que le SACD les ventes de SACD sont très bonnes. Ça laisse quand même de l’espoir.
L’enregistrement DSD a incontestablement un énorme avantage. Il faut être sourd ou de parfaite mauvaise foi pour ne pas l’entendre. Mais il est vrai que sa technologie d’enregistrement ne tolère aucune erreur sous peine qu’elle soit retransmise immédiatement.
La sortie généralisée pour 2005 des lecteurs universels haut de gamme (divX, DVD, MP3, SACD, DVD audio, etc…) est une preuve que l’avenir est là.
Maintenant, ce ne serait pas la première fois qu’un bon système n’emporte pas l’adhésion du public pour x raisons.
Je parlerai aussi de l’inévitable iPod (je sais que c’est un gros mot chez les audiophiles) mais qui permet en encodage AAC et 320 kbits d’avoir une qualité de son tout à fait convenable, et se permet même le luxe de révolutionner la manière d’écouter sa discothèque avec la fameuse fonction aléatoire qui permet ainsi de faire des blindfold test avec ses propres CD !
6. RLB : Quels sont tes disques préférés de Jazz ?
F.A. : J’en ai plusieurs, et cela change avec le temps, mais mes grandes émotions sont passées par, « Köln concert » et « Still Live » de Keith Jarrett, « Kind of Blue » de Miles Davis, « Play » de Bobby McFerrin & Chick Corea et mon prochain album ? Etc… © Audiophilefr – septembre 2004 |