De la vie des tubes électroniques |
Faut-il les laisser allumés en permanence
ou les éteindre à chaque fois ?
Beaucoup d’amateurs de haute-fidélité sont attirés par les appareils à tubes mais rebutés par leur réputation de fragilité. Pourtant, indépendamment de leur séduction musicale réelle ou supposée, les appareils à tubes peuvent se révéler robustes et capables d’assurer des années de service, même lorsqu’il s’agit d’amplificateurs de puissance. Ceux-ci sont en effet le plus sujets aux faiblesses car les tubes des étages de puissance sont soumis aux contraintes électriques et physiques les plus fortes.
A la mise en service d’un tube électronique, quel qu’en soit le type, on applique en fait deux tensions très différentes : d’une part, une tension de quelques volts dite « de chauffage » (souvent 6,3 V, mais cette valeur varie évidemment selon le type de tube) pour porter à incandescence la cathode (filament) ; Le chauffage de la cathode permet de constituer par augmentation de l’agitation brownienne un nuage d’électrons libres, formant ce que l’on appelle la charge d’espace. C’est dans cette charge que vont être puisés les électrons assurant le débit qui s’établit entre plaque et grille lorsque l’on commence à demander au tube de fournir du courant. Si la charge d’espace n’a pas eu le temps de se former ou est insuffisante (temps de chauffe trop bref), les électrons qui alimentent le débit exigé prématurément du tube sont directement extraits du matériau constituant la cathode… En situation limite, si on demande au tube un débit maximal à froid, un arc (court-circuit) va se former et endommager la cathode ; la formation de cet arc est possible en raison de la présence d’ions gazeux qui ne sont plus repoussés par la charge d’espace (le vide du tube n’étant jamais parfait, des ions gazeux sont toujours présents à l’intérieur de l’enveloppe). Il est donc fondamental que la cathode ait atteint sa température de fonctionnement pour demander au tube de débiter, surtout s’il s’agit d’un tube de puissance. Après la mise sous tension d’une électronique à tubes, et donc tout spécialement d’un amplificateur, il convient d’attendre un peu (10 ou 15 minutes pour fixer les idées) avant de lui demander de débiter : ce temps de chauffe n’est pas une lubie d’audiophile maniaco-dépressif, mais une exigence physique. La durée de vie utile des tubes est considérablement écourtée si l’utilisateur ne la respecte pas.
Idéalement, il faudrait d’abord appliquer la tension de chauffage, attendre quelques dizaines de secondes ou quelques minutes que la charge d’espace se soit constituée et seulement ensuite appliquer la haute tension. Malheureusement, ce protocole simple (interrupteur à 3 positions ou temporisation automatique effectuée par un petit circuit auxiliaire) est très rarement respecté sur les électroniques du commerce. Il existe des concepteurs ou réparateurs capables d’installer a posteriori un dispositif de temporisation de ce genre ; c’est évidemment une intervention contraignante et qui peut être assez coûteuse, mais très recommandable lorsqu’il s’agit d’un modèle de grande valeur technique et musicale. Ces principes restent valables pour les circuits autres que ceux de puissance (circuits dits à signaux faibles : préamplification). Néanmoins, il convient de se souvenir que les performances d’un tube commencent à se dégrader dès sa mise en service ; bien entendu, cette dégradation est lente et donc difficile à détecter en l’absence de point de repère.
En pratique, les facteurs influençant la durée de vie utile d’un tube électronique sont de trois ordres : la qualité de sa fabrication, variable selon les époques et les marques ; la conception du circuit, c’est-à-dire les choix techniques du concepteur ; le soin de l’utlisateur. Sans entrer dans les détails, il est faux de croire que les tubes de fabrication ancienne sont systématiquement de haute qualité. Pour les tubes de fabrication actuelle, on peut affirmer qu’après une période de flottement, leur niveau de qualité est souvent très satisfaisant. En ce qui concerne la conception même des circuits, sur laquelle l’utilisateur n’a évidemment aucune prise, là encore les modèles qui « mangent » leurs tubes sont vite repérés ; c’est le cas d’assez nombreux modèles « exotiques » aux schémas parfois peu conventionnels, proposés depuis deux ou trois ans à des tarifs irrésistibles. Leur attrait économique est donc discutable et la prudence est à conseiller. De son côté, l’utilisateur de tubes peut, en prenant quelques précautions, en prolonger sensiblement la durée. En premier lieu, il est vivement déconseillé de mettre sous tension puis d’arrêter à intervalles trop brefs un circuit à tubes. Chaque mise en route provoque un stress électrique et thermique, surtout en l’absence de temporisation ; à l’inverse, il est également tout à fait contre-indiqué de laisser un appareil à tubes en permanence sous tension, comme certains amateurs le font avec les électroniques transistorisées. Pour fixer les idées, des sessions d’utilisation d’un minimum de 2 heures constituent un bon compromis : le nombre de démarrages et d’extinctions (également génératrices de stress pour le tube) s’en trouve limité ; si pour une raison quelconque l’écoute est interrompue durant 30 ou 45 minutes par exemple, il vaut mieux ne pas éteindre les appareils.
Ces quelques réflexions ne s’adressent évidemment pas aux amateurs confirmés, auxquels elles n’auront rien appris, mais à ceux qui hésitent à devenir « tubistes ». Non, les électroniques à tubes ne sont pas nécessairement fragiles et délicates à entretenir. En revanche, si vous décidez de vous lancer, renseignez-vous bien, ce qui est infiniment plus facile aujourd’hui avec Internet qu’il y a quinze ans. Clodomire – Juin 2007
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