STORMAUDIO V55 Vertigo
Origine : France
Ampli-préampli intégré à transistors
Puissance : 2 x 170 watts / 8 ohms
Bande passante : 3 Hz à 150 kHz
Distorsion : 0,015% pour 1 watt / 8 ohms
Rapport signal / bruit : > 105 dB
4 entrées haut niveau RCA,
1 entrée haut niveau symétrique XLR,
1 entrée préamplificateur externe,
1 sortie enregistreur,
1 sorties bloc de puissance externe.
Les audiophiles, mélomanes ou professionnels qui lisent Audiophilefr.com se souviennent de mon enthousiasme vis à vis du premier modèle de la gamme STORMAUDIO le V35, qui m’avait alors fait une forte impression lors de son écoute. Etait-ce réellement utile de procéder à une nouvelle écoute avec un modèle supérieur tel que le V55 Vertigo, et surtout après que la presse ait tout dit, ou à peu près….à son sujet ? Toutefois, il m’est apparu intéressant d’explorer cette nouvelle piste avec un matériel différent, dans d’autres conditions d’écoutes, et carrément de comparer le V55 avec d’autres amplificateurs de cette catégorie.
Côté technique, le V55 reprend le schéma et la technologie largement décrites dans le compte rendu du V35. La présentation de l’intégré V55 est identique à celle du V35 et les fonctionnalités minimalistes sont en tous points identiques. Est-il utile de rappeler et d’insister sur le fait que le V55 comme son »petit » frère fait l’objet d’une conception et d’une réalisation artisanale (au sens noble du terme) de très haut niveau qui n’accuse aucun reproche – il est assurément construit pour durer.
La principale différence entre les deux amplificateurs se traduit par une puissance largement accrue au profit du V55. De fait, l’alimentation fait appel cette fois à un transformateur toroïdal à double enroulement d’une capacité de 450 VA, soit 225 VA pour chaque carte dédiée à chacun des canaux – l’amplificateur étant configuré en mode double monophonique. Ce transformateur est astucieusement découplé par un système amortissant destiné à dissiper les vibrations inhérentes à son fonctionnement. Cet imposant transformateur est accompagné par une série de 40 condensateurs de 1000 micro farads d’origine Vishay, soit un total capacitif de 40.000 micro farads.
Inutile de dire que cette alimentation garantit ainsi une stabilité du courant à toute épreuve, et une tenue en puissance en toutes circonstances. Les concepteurs indiquent que le schéma est du type totalement symétrique. Les transistors de sortie montés en double push-pull sont d’origine Sanken – Darlington, et l’ensemble des composants qui équipent le V55 a été minutieusement trié et sélectionné à l’écoute avant implantation.
Pour la présentation, en façade on retrouve les mêmes fonctionnalités que sur le V35, mais à l’arrière la cinquième entrée haut niveau adopte un connecteur XLR pour assurer pleinement l’exploitation d’une source en mode symétrique. Le réglage Storm Focus est toujours présent, mais j’ai trouvé qu’à l’usage son utilisation s’avère moins évidente que sur le V35.
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ECOUTE
CD utilisés : You’re Gonna Look par Tony Joe White, CD Requiem de Mozart par Karajan, la Folia de Gregorio Paniagua, Modern Jazz Quartet with Laurindo Almeida, Cool Jazz par Arthur Jazz – Misa Criolla – Kyrié d’Ariel Ramirez par José Luis Ocejo, Tri Yann – Ramadou / Générations.
Ces tests d’écoutes ont été effectués en deux phases distinctes avec deux approches différentes, et totalisent pas loin de 25 heures d’écoutes à des moments différents de la journée – de quoi se faire une bonne idée du sujet.
Première série de tests en auditorium
Pour la circonstance, on peut dire que l’on a mis les petits plats dans les grands. Les tests d’écoutes ont été effectués avec un lecteur / drive CD ESOTERIC P 05, convertisseur / préamplificateur ESOTERIC D 05 – enceintes acoustiques B & W 802 Diamond, PEL Alegria, (et pour l’anecdote APERTURA Altra Signature) – câbles de modulation et HP YBA Diamond, câble numérique Esprit Structura. A noter que ce matériel de référence a fait également l’objet de comptes rendus d’écoutes spécifiques.
Seconde série de tests à domicile
Les tests d’écoutes ont été effectués avec un lecteur YBA CD 3 Classic Sigma, une paire d’enceintes acoustiques PEL Kantor, et câbles de modulation et HP YBA Glass et Diamond, également analysés dans nos colonnes.
1° Timbres
Comme je l’ai évoqué à plusieurs reprises, toutes les enceintes acoustiques ne peuvent s’associer avec tous amplificateurs pour diverses raisons. Ainsi, il apparaît que la première séquence d’écoute effectuée avec les enceintes B & W 802 Diamond ne « fonctionne » tout simplement pas ! Certes, on retrouve quelques vertus qui font le charme et la qualité des enceintes B & W série 800 Diamond, mais à tout dire, le cœur n’y était pas.
La restitution apparaît comme fade et manquant d’enthousiasme, et de vie. Malgré divers réglages du Storm Focus qui agit à la fois sur les timbres, la texture sonore, la hauteur et la largeur de scène sonore, je ne suis pas parvenu à trouver un point d’équilibre satisfaisant.
En revanche, les choses évoluent bien, lorsque nous avons changé d’enceintes acoustiques et connecté les PEL Alegria. Dans ce cas précis, la restitution prend une toute autre allure et même une fière allure. Le même constat a pu être fait lorsque j’ai effectué le même test avec les PEL Kantor.
Bien sûr, on retrouve tout ce qui fait le charme du V35, mais le gain en spontanéité et naturel est encore plus évident. On notera tout de suite que le V55 se démarque de son frère par un aspect légèrement plus chaleureux, ce qui nous conforte largement sur le respect des timbres et sur la pureté des vocaux.
Quelques exemples marquants : le redoutable jeu de xylophone utilisé par Modern Jazz Quartet sur Valéria est du meilleur effet. Ainsi, même à fort niveau d’écoute, aucun dérapage ou once d’agressivité n’est à redouter, et le jeu de cymbales est d’une absolue lisibilité et j’irais même jusqu’à dire qu’il est quasiment parfait. On retrouve cette approche »vérité sonore » sur le nouveau CD de Tri Yann « Générations » où il est beaucoup question de quatuor à cordes, et je fais remarquer que le violoncelle a un grain vraiment particulier et son excellente rigueur est à mettre à l’actif de cet amplificateur. L’alto, le violon, et le hautbois baroque qui jouent de manière simultanée sont réellement onctueux et n’appellent que des éloges.
Le grand frisson apparaît sur un autre extrait de CD avec une complainte assez dépouillée en orchestration (Complainte de Marion Faouët) et le solo de Low Whistle aux tendances très celtiques, dont les vibrations sont difficilement descriptibles tant elles »prennent aux tripes ». Par ailleurs, les quelques notes de basse fretless et l’accompagnement au violon prolongent ce sentiment de justesse des timbres.
C’est sans nul doute avec la Folia de Gregorio Paniagua que l’on atteint l’apothéose : quelle classe, quelle pureté, quelle générosité. Le caractère analytique met en évidence absolument tous les instruments, et le V55 distille savamment chacun d’eux et chaque note de musique avec un infini respect. Le clavecin prend des teintes d’une subtile ressemblance à celles d’un instrument écouté en direct; c’est à s’y méprendre. Le pizzicato de violon accompagné de la flûte baroque sont d’un charme fou, car ils traduisent la belle justesse des timbres et soulignent l’excellente prise de son (c’est important de le signaler). L’aspect analytique ne met absolument pas en péril le douceur qui se dégage de l’ensemble et le côté ascendant des instruments à cordes n’implique aucune agressivité ou once d’acidité.
2° Fluidité
Tout comme le V35, le V55 n’appelle sur ce point que des éloges. Quelques soient les enceintes, le système dans son intégralité, et surtout le lieu d’écoute, on ne pourra prendre en défaut cet amplificateur qui fait littéralement couler les notes de musique. Aucun accroc n’est à relever : sur le disque de Diana Kral (Quiet Night), le V55 « épouse » la voix et l’accompagnement musical avec une facilité d’écoute qui n’appelle que des éloges.
La voix suave de Diana Kral semble plus vraie que nature et séduisante à souhait. Les notes de musique s’enchaînent avec une facilité et un aspect plutôt soyeux qu’il convient de souligner. Mais tout cela n’est rien à côté du Requiem de Mozart dont l’expression est d’une liberté des plus remarquable qui soit. Les chœurs s’expriment avec facilité, distinction, grâce, force et conviction, et je ne suis pas arrivé à prendre en défaut sur ce point le V55. Les « nappes » de cordes sont reproduite avec un aspect très lisse, traduisant également un magnifique enchaînement des différentes partitions. La perception d’ensemble valide le côté vivant et naturel. La soliste soprane Maria Stader donne le meilleur d’elle-même et sa voix de détache fort bien des chœurs et du reste de l’orchestre; j’ai eu l’impression d’assister à un véritable feu d’artifice, d’une rare beauté. Les différents plans s’enchaînent sans contraintes et sans crispation, avec un sens des nuances vraiment satisfaisant, même si le côté légèrement ascendant peut être décelé.
3° Scène sonore et transparence
Sur ce même Requiem de Mozart, pas question de mettre en cause la transparence. Le V55 a de gros arguments pour dénicher le moindre détail, mais aussi la moindre imperfection de l’enregistrement si ce dernier en comporte. Les aficionados du « dématérialisé » devront être sur leurs gardes quand à la source utilisée, et la compression de leurs fichiers.
Cela dit, la scène sonore est ample tant en hauteur, qu’en largeur, ou profondeur. Les plans sont bien respectés, et sans apparaître comme démonstratif à souhait, le V55 vous invite simplement à vous plonger au cœur de l’orchestre – j’avais déjà trouvé cela très convainquant avec le V35, mais le V55 va plus loin, mais je pense qu’il le fait de manière différente, avec plus de grâce et sans doute moins de brutalité.
En tout état de cause, l’amplificateur montre sa générosité et un côté ouvert qui n’a que peu d’équivalent dans cette gamme de produits. J’ai été enthousiasmé par le côté aérien de la restitution sonore, mais aussi l’aspect délié de cette scène sonore qui laisse penser qu’il y a beaucoup d’air entre les interprètes. Ainsi, le moindre détail et la moindre subtilité apparaissent comme faciles à entendre, même à faible niveau d’écoute. Il n’y a rien à dire, ça vit, ça bouge, ça respire avec une réelle facilité d’expression.
Plus qu’holographique, la scène sonore apparaît à mon sens plutôt panoramique, et prend forme de la même façon entre les enceintes acoustiques qu’à l’extérieur de celles-ci, mais avec un aspect toujours bien bordé.
4° Dynamique – réactivité – rigueur
Ici, il va s’agir de voir comment réagit le V55. On change un peu de registre avec Cool Jazz d’Arthur H. Cet extrait dont la prise de son est une référence, montre le V55 réagit au quart de tour sans fléchir à la moindre sollicitation, quelque soient les éventuels écarts de dynamique. La batterie « trahit » les capacités de réactivité inhérentes à l’alimentation gigantesque de l’amplificateur. Des toms à la caisse claire, en passant par le jeu de cymbales, tout est net et précis. Cette précision est d’ailleurs confirmée par les quelques interventions de violon, le jeu de piano, et enfin le jeu de guitare basse d’une lisibilité à citer en référence.
Toutefois, tout au long de ces écoutes, quelque chose m’interpelle : le registre grave (plus précisément l’infra grave) aurait mérité de descendre un peu plus bas. Quelles que soient les enceintes ou les sources utilisées, ce registre grave apparaît écourté : ainsi, lorsque l’on effectue un test comparatif avec d’autres amplificateurs et notamment le Supernait de Naim, ce dernier se distingue sur ce chapitre, et le poids de certains instruments apparaît à mon goût plus marqué. Si l’on pousse l’analyse comparative jusqu’au bout, on reconnaîtra volontiers que le V55 s’en sort sur ce point (et d’autres) bien mieux que l’Atoll IN 400 dans sa version actuelle. En écoute domestique avec PEL Kantor, moins éloignées des murs latéraux et arrière que le test en auditorium, cette constatation apparaît moins flagrante, et en tout cas moins frustrante.
En ce qui concerne la rigueur, ce StormAudio n’accuse pas de défauts particuliers, et il s’exprime sans contrainte, avec intelligence, comme j’ai pu l’apprécier sur l’ensemble des morceaux écoutés et notamment You’re Gonna Look par Tony Joe White où la guitare électrique et la voix sont proposées de façon limpide et un excellent détourage. Le jeu de batterie est vif et percutant, les coups de cymbales sont restitués sans bavures. La réaction est toujours au rendez vous, comme on peut le constater avec le jeu de contrebasse sur l’extrait Valéria interprété par le Modern Jazz Quartet dont la lisibilité permet de suivre chaque note sans problème. Dans le même esprit, le jeu de piano n’accuse par ailleurs aucun fléchissement et donne la pleine mesure de chaque note de musique.
5° Communication avec l’auditeur
C’est vraiment sur ce point précis que le V55 peut être mis en avant, voir se démarquer d’autres amplificateurs qui ont plus ou moins de faciliter à associer l’auditeur à la musique. Nonobstant, le choix des enceintes acoustiques, sur les vocaux et plus particulièrement sur le Requiem de Mozart, le V55 permet de savourer sans équivoque cette expression si réaliste qu’ont les chœurs et la soliste soprano Maria Stader à s’exprimer avec grâce et distinction. J’ai d’ailleurs retrouvé exactement les mêmes impressions à l’écoute de Tri Yann – Ramadou / Générations et plus particulièrement sur la Complainte de Marion Faouët, où le côté émotionnel est particulièrement bien mis en avant, et le petit « frisson » tant attendu était bien au rendez vous.
J’ai gardé le meilleur pour la fin, car c’est avec la Misa Criolla – Kyrié d’Ariel Ramirez par José Luis Ocejo que l’on atteint des sommets en matière d’expression et de communication. Je vous prie de croire que les voix sonnent avec une belle justesse qu’il serait mesquin de critiquer, ou pire d’ignorer. Le tambour qui accompagne cet extrait possède une texture propre et dépourvue de caricature. Les chœurs emplissent la pièce d’écoute avec une présence assez exceptionnelle avec toujours cette volonté d’associer totalement l’auditeur à la »représentation » musicale. D’une façon générale, on observe à l’écoute des produits StormAudio ce sens de la nuance, qui évite une forme d’ennuie, et chaque extrait de musique constitue en définitive une sorte de découverte.
Conclusion
L’amplificateur intégré StormAudio V55 requiert un grand intérêt pour les audiophiles qui attendent une écoute dynamique, panoramique, analytique, et communicative. Sur les points évoqués, tout comme le V35, le V55 a des arguments musicaux pour se placer en bonne position vis-à-vis de la concurrence.
Pour tirer le meilleur parti de cet amplificateur intégré, le futur acquéreur devra prendre un soin méticuleux et attentif au choix de ses enceintes acoustiques. Le V55 mérite sans aucun doute d’être associé aux meilleures références du moment. Toutefois, s’il est particulièrement en »phase » avec des modèles de chez Pierre Etienne Léon par exemple, il ne pourra pas s’épanouir avec les prestigieux modèles de la série 800 Diamond. Il faut prendre avec beaucoup de recul sur cette dernière remarque, car il elle ne remet à aucun moment en question les caractéristiques musicales de cet amplificateur et / ou des enceintes acoustiques.
Par ailleurs, si j’avais un reproche à formuler à l’encontre du V55, je l’imputerais au registre infra grave que je juge un peu court avec des enceintes acoustiques de haute volée et bien adaptées, telles que les PEL Alegria. J’ai tout de même eu l’impression qu’il manquait ce petit quelque chose qui permet à un produit d’être complet, ou totalement satisfaisant.
En revanche, et c’est paradoxal, lorsque le V55 est associé à des colonnes de type PEL Kantor, le grave – à défaut de descendre hyper bas – offre tout de même une belle progression quand la situation le nécessite. Mais que l’on ne se méprenne pas, le StormAudio est un amplificateur diablement musical qui saura faire frémir les mélomanes et audiophiles les plus exigeants, et qui sera même capable, pourquoi pas, de les surprendre … agréablement.
Cotations : |
Musicalité : 8 / 10
Rapport qualité – prix : 7 / 10 par rapport au V35 |
Prix : 3590 € (06/2011)
Test d’écoute réalisée par
Lionel Schmitt
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